Milutin Gubash développe depuis plus de deux décennies une œuvre profondément ancrée dans le vécu, où se croisent humour, critique sociale et poésie du quotidien. Sa pratique navigue entre mise en scène et documentaire, entre le personnel et le politique, en s’appuyant sur une esthétique volontairement instable — faite de matériaux modestes, de gestes décalés, de narrations fragmentées. Il y met en jeu sa propre histoire, celle de ses proches, et plus largement celle des figures et des objets que la modernité a rendus invisibles.

Longtemps centré sur des récits familiaux et des performances autofictionnelles, son travail a récemment pris un virage plus explicitement politique. Dans ses installations récentes, Gubash interroge les logiques de production, de gaspillage et de déplacement à travers des dispositifs immersifs où s’imbriquent sculptures animées, décors désaffectés, machines absurdes et vidéos narratives. Il y met en scène des personnages en situation de marginalité sociale ou de déracinement culturel — personnes migrantes, travailleuses invisibilisées, figures issues de récits minoritaires — qui, avec ingéniosité, reconfigurent les objets rejetés pour en faire naître d’autres récits, d’autres usages, d’autres formes de valeur.

Gubash construit des mondes aux allures de théâtre en ruine, où la débrouillardise devient stratégie critique et où les rebuts matériels prennent vie. Il donne voix à ce qui est laissé pour compte — objets, mémoires, gestes, récits — et interroge avec finesse les normes esthétiques, économiques et culturelles qui façonnent nos perceptions. Ainsi, son art agit comme une résistance douce, une fabrique de fictions critiques, fragiles et lucides, à même d’ébranler les récits dominants et d’ouvrir des brèches vers d’autres façons d’habiter le monde.

Milutin Gubash est un artiste multidisciplinaire dont la pratique entremêle vidéo, installation, photographie et performance. Né en Serbie et arrivé au Canada dans son enfance, il explore les tensions entre mémoire personnelle, récit collectif et identités en mouvement. Alliant humour, autodérision et regard critique, ses œuvres abordent la famille, l’immigration, le pouvoir des images et, plus récemment, les excès de la consommation et du capitalisme. Son travail a été présenté au Canada et à l’international, et fait partie de collections majeures, dont celles du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée national des beaux-arts du Québec et du Musée d’art de Joliette.

Il est le lauréat du Prix Louis-Comtois 2019 et est récipiendaire de plusieurs bourses, dont deux résidences du Conseil des arts et des lettres du Québec, à Paris en 2016 et à Rome en 2024.