La beauté, à laquelle je crois, a toujours fait partie de ma façon de penser mes recherches. Bien que parfois taboue en art contemporain, cette prise de position esthétique me semble essentielle, ces jours-ci tout particulièrement. Penser non pas la beauté des images, mais plutôt l’idée de beauté, m’aura permis de travailler sur les projections de l’imaginaire, précisément celles du fantasme. Comment le désir de voir ou de retrouver dans une image ce que l’on y projette guide nos attentes ? Qu’attendons-nous des images ? Que révèlent-elles de notre désir et de notre refus de voir ? Ces questions m’occupent. Je les ai abordées lors de l’exposition d’abord titrée « Fantasmes colorés » présentée en 2023 à AXENÉO7, sous un commissariat de Jean-Michel Quirion. J’ai exploré la question des attentes vis-à-vis des images à travers un vaste chantier, allant de la photographie vernaculaire jusqu’au film pornographique. J’ai le plaisir de présenter une nouvelle version de ce projet au Centre SAGAMIE.

Je travaille avec des images trouvées. Elles sont ici archétypales, stéréotypées. Elles dépeignent des cascades, des couchers de soleil, des lieux magiques, presque « psychotropiques ». Dans le film présenté, les corps à l’écran sont remplacés par une lumière mouvante, colorée et battante ; c’est un film où l’on fait l’amour à la lumière, où l’on contemple l’orgasme de la couleur sans accès aux images ou aux détails. Mon exploration de l’image trouvée prend diverses formes aujourd’hui, notamment celle d’un livre coédité par le Centre SAGAMIE et AXENÉO7 qui sera sous peu entre vos mains. Les questionnements spécifiques sur la sensualité que peut évoquer la mémoire à travers la couleur et la lumière occupent une place centrale dans ce projet. C’est à travers l’image que je les aborde et c’est là l’essentiel de mon travail actuel, du moins là où je souhaite qu’il puisse impacter l’imaginaire.

Yann Pocreau

Depuis une quinzaine d’années maintenant, les recherches de Yann Pocreau sont portées par l’application de sa pensée photographique aux multiples définitions de la lumière qu’il explore à travers plusieurs médiums, dont l’image, la sculpture et l’installation. Cette lumière, son apport narratif à la lecture qu’on fait des images et l’histoire de la photographie font ainsi de plus en plus partie de son vocabulaire. Il cherche à comprendre comment la lumière a un impact sur la visibilité du monde que nous habitons et ses façons de l’enregistrer. Ainsi, il s’intéresse grandement à la lumière, à sa matérialité, à ce qu’elle sait, informe ou aux affects qu’elle convoque. L’astronomie, puis les sciences de la terre l’occupent à l’atelier. Son parcours des dernières années est ponctué d’expositions ayant comme moteur les vertiges cosmiques, cette nouvelle relation au monde et ses phénomènes, depuis l’Univers jusqu’au centre de la Terre. Dans un simple dialogue avec la science, avec un certain existentialisme, il pense et produit des expositions qui tentent d’aborder les liens macros et micros qui façonnent et dessinent notre environnement, mais aussi, et surtout ici, aux projections que nous nous en faisons.

Yann Pocreau est né à Québec en 1980. Dans ses recherches récentes, à travers différents types de médiums, dont la photographie, la sculpture et l’installation, il s’intéresse à la lumière comme sujet vivant et à l’effet de celle-ci sur la trame narrative des images. Il a participé à plusieurs expositions canadiennes, américaines et européennes dont aux Rencontres photographiques d’Arles et au Musée des beaux-arts de Montréal. Son travail a été commenté dans divers magazines et ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections, dont celles de la Banque Nationale du Canada, d’Hydro-Québec, de Desjardins, de la Ville de Montréal, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée national des beaux-arts du Québec, du Musée d’art de Joliette et de la Galerie de l’UQAM. Il est représenté par la galerie Blouin Division à Tiohtiá:ke/Mooniyang/Montréal où il vit et travaille.

L’exposition Des images-lumière de Yann Pocreau s’inscrit dans le programme Inter-Centres/art actuel, circulation et mobilité, initié par le Centre SAGAMIE pour le domaine des arts visuels. Ce programme est soutenu par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) afin d’encourager et de soutenir la circulation des œuvres et des artistes sur le territoire québécois, par des initiatives structurantes.